Silicon Valley Bank ou la cupidité

Vous avez peut-être lu dans les journaux la faillite de la banque Silicon Valley Bank (SVB) aux Etats-Unis, laquelle a déclenchée un mouvement de baisse des bourses.

Les valeurs bancaires dans le monde ont dévissé avant de se reprendre aujourd’hui quand il est apparu que les Etats-Unis allaient intervenir pour calmer le jeu.

La faillite de Silicon Valley Bank en quelques points

 

 

Nous n’allons pas revenir sur tous les détails mais voici notre lecture : 

  • SVB ne met pas en péril le système financier.

Son bilan de 200Md$ est à mettre en face du système bancaire américain de 23 000 Md$ soit 0,1%.

Cette banque était utilisée par de nombreuses jeunes pousses de la technologie californienne. Typiquement, une start-up levait quelques millions de dollars, les déposait chez SVB et payait ses dépenses courantes avec.

  • SVB était un bénéficiaire du torrent d’argent déversé dans la tech californienne

Les investissements prodigieux des fonds de capital-risque dans les jeunes pousses se sont transcrits en dépôts en hausse rapide.  

  • SVB est une banale histoire de cupidité

Une banque utilise les dépôts des clients pour octroyer des prêts.

Or, dans le cas de la SVB, les jeunes pousses contractent peu de prêts car elles ont l’investissement de ces fonds comme source de financement. Conséquemment, elles consomment peu de services bancaires rémunérateurs comme les prêts, le conseil financier ou les placements.

Si elle avait suivi un modèle prudent, SVB aurait placé les dépôts en bons du trésor à court terme mais les taux servis ont rapidement baissé avec la crise du Covid.

 

Rendement américain à 10 ans

 

SVB ne pouvait donc plus réaliser de profits de cette masse de dépôts depuis 2020… Sauf à investir sur des bons du trésor à plus longue maturité, plus rémunérateurs.

C’est la décision qui a été prise. Mais sans utiliser des instruments de couverture du risque de taux, comme le font normalement les banques.

Analyse des comptes de Silicon Valley Bank

Analyse des comptes de Sillicon Valley Bank

Plus les taux montent, plus la valeur d’une obligation diminue. SVB s’est donc rapidement retrouvée avec des moins-values latentes équivalentes à la fin 2022 à ses fonds propres : la banque est insolvable à cet instant T.


Pourquoi tenter de générer tant de profits ?

La rémunération des dirigeants est un indice.

Celle du PDG se décompose de la sorte :

  • 10% salaire fixe
  • 19% bonus
  • 71% sur la hausse du cours de bourse (50%) et le niveau du retour sur fonds propre (50%)

Les dirigeants avaient encore plus de 2 millions de stock-options à réaliser à la fin 2022, lorsque le cours de bourse était de plus de 300$ par action. 

Il y aura un procès au pénal contre les dirigeants

SVB a publié son rapport annuel le 24 février 2023.

  • La banque est déjà insolvable au 31/12/2022
  • Les dirigeants vendent leurs actions sur le marché fin février 2023.
  • Les régulateurs ne sont alertés du problème que le 8 mars.

Il y a clairement une manigance pour réaliser un profit sur la vente des titres.

 

Un scénario extrême

Il est difficile d’appliquer ce scénario au système bancaire car SVB était un oiseau rare : un modèle d’affaire peu diversifié, une hausse rapide des dépôts, une stratégie financière extrêmement risquée…

Panique habituelle des marchés

Une fois la machine lancée, le marché vend les titres et les médias se délectent des gros titres saignants.


Répercussion pour les épargnants

Cette faillite rapide met cependant en évidence le risque de taux d’intérêt qui pèse sur les banques et les assureurs vie.

En Italie, un petit assureur-vie (Eurovita) a bloqué les retraits des fonds en euro locaux en janvier 2023.

Eurovita a investi (sur les brillants conseils des banques Goldman Sachs et BNP Paribas) dans des obligations allemandes et françaises à longue maturité fin 2020 et en 2021.

En 2022, la baisse des cours de ces obligations d’environ 30% rend l’assureur insolvable.


Est-ce à dire que les assureurs vie sont à risque ?

La loi Sapin 2 permet aux assureurs en cas de panique de bloquer les retraits des fonds en euros.

Nous pensons cependant que le risque est faible car :

  • Les assureurs avaient une plus grande solidité financière qu’Eurovita avant 2022.
  • Les investissements des fonds en euros sont plus diversifiés donc les pertes latentes sont moindres
  • La provision pour participation aux bénéfices (PPB) est un coussin amortisseur.
  • Les assureurs ont encouragé la collecte dans les fonds en euros depuis la mi-2022 alors qu’ils la décourageaient auparavant pour se prémunir de ce scénario.

Nous restons prudents cependant. Les foules paniqueraient facilement si un assureur français se révélait en difficulté.

Selon nous, la PPB risque d’être consommée par les moins-values : il existe une prime aux sortants des fonds en euros.

Julien Jarmoszko photo Carrée
Julien Jarmoszko, CFA, Dipl IAF

Depuis maintenant 20 ans, je m'occupe de la gestion financière pour le compte d'institutions ou de particuliers. Je vous partage ma conviction qu'il y a toujours des opportunités d'investissement à saisir.

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